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14èmes Rencontres

Publié le par les psy-causent

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« A demain je serai là… »

 

Nous étions plus de 60 personnes pour écouter Hervé BOKOBZA, avec qui nous avons passé une soirée très agréable, pleine d’enseignements.

Il nous a fait partager sa grande expérience professionnelle, humaine au plus près de la clinique.

 

Hervé BOKOBZA après avoir évoqué une « réunion au bout du monde » a débuté son intervention en insistant sur l’importance du collectif et la nécessaire réflexion, celle qui permet ensuite de travailler de façon différente.

Il a expliqué que notre soirée était une « expérience pratique du thème de la soirée » à savoir l’inattendu, pour se laisser aller à la rencontre et voir ce qui va se passer.

 

« Pour travailler en psychiatrie il faut être militant », cette citation de Jean AYME avec qui Hervé BOKOBZA a travaillé au début de sa carrière, lui a donné l’occasion de nous rappeler l’importance de l’engagement en psychiatrie.

Après avoir donné sa définition de la folie « est fou celui qui ne sait pas qu’il a de la folie en lui » notre invité nous a dit combien la folie était « fascinante, complexe et très projetée ».

A partir de ces éléments Hervé à longuement développé cette « conversation intime » que nous avons quotidiennement avec la folie.

Il est longuement revenu sur l’identification et le transfert « sans lesquels il n’y a pas d’acte soignant ». Quelques phrases distillées sur ces notions, comme des évidences et pourtant…

 

Hervé à rapidement posé une question, centrale, comme un fil conducteur à son intervention : « Qu’est ce que le savoir en Psychiatrie ? »

Plus étonnant pour y répondre Hervé BOKOBZA s’est appuyé sur un rapport datant des années 80 d’un conseiller de Jimmy CARTER, sur le savoir complexe, le savoir technique et le savoir divertissant.

Etonnant ? Pas tant que ça au final, éloquent plutôt.

 

« Le savoir complexe articule plusieurs savoir, c’est le notre » ! La psychiatrie est à l’articulation de plusieurs disciplines : le médical, la philosophie, la biologie, la psychologie, la psychanalyse, la politique. « C’est pour ça qu’on dit qu’elle est un symptôme de la société ».

 

Le savoir technique lui se cantonne, nous cantonne à connaitre quelque chose et à l’appliquer. L’être humain n’existe que parce qu’il connait cette technique, « s’il disparait un autre le remplace ». « L’humain en tel que tel on s’en fout ».

Actuellement en psychiatrie « nous sommes confrontés à la disparition potentielle de ce que les psychiatres, ceux de la psychiatrie née après la guerre, ont introduit : le savoir complexe ».

Hervé BOKOBZA a dénoncé « un passage gravissime et envahissant » d’une psychiatrie nécessitant un savoir complexe à une psychiatrie réduite à un savoir technique. C’est-à-dire l’élimination du transfert dont les adeptes du savoir technique n’ont pas besoin pour remplir des cases, appliquer des protocoles ou conditionner les patients.

C’est évident le reste tout ces gens s’en foutent et le reste, c’est le thème de la soirée. C’est ce qui nécessite du savoir complexe. Merci M.BOKOBZA ça fait du bien !!

 

Plus tard dans la soirée, Hervé a abordé ce qu’il nomme la « politique des 3 P » :

Peur, Preuve, Prédiction.

La Peur. Hervé a mis en évidence l’impossible rencontre avec les patients dans le contexte sécuritaire actuel. Il a évoqué son malaise et sa honte à la suite du discours de l’ancien Président à l’Hôpital Erasme.

« Le sécuritaire est en opposition totale avec la parole ». Pour lui les choses sont claires, quand dans un service on dit en substance que c’est la peur qui va ordonner la position soignante, « alors on ne parle plus on enferme », on se barricade. « Les réflexes de l’isolement, comme réponse quasi systématique, et/ou accompagné de systèmes de contentions ne sont là que pour rassurer certaines équipes et psychiatres ».

Il nous a livré son intime conviction « on peut traiter les malades avec les petits riens du quotidien » ou encore « on peut entourer le patient et même le contenir mais humainement ». Hervé est revenu sur ce qu’il a nommé un « scandale absolu » et a conclu se passage par un cri d’indignation : « Comment a-t-on pu en arriver là ? »

 

La Prédiction. « On exproprie le soignant de sa fonction soignante ». On ne nous demande plus d’être des soignants mais des gardiens/techniciens. « La moindre des choses que l’on doit à quelqu’un qui souffre c’est d’être dans une position d’écoute et de rencontre ».

En plus maintenant il nous faudrait prédire l’avenir : Est-ce qu’il va faire quelque chose de grave ? « C’est donc l’absolu négation de l’inattendu ».

 

La Preuve. C’est le délire de l’évaluation, la certification, les protocoles. « C’est ce que nous subissons tous les jours ». Hervé à partir de son expérience de la certification, vécue à la Clinique Psychothérapique St Martin de Vignogoul, a clairement expliqué que c’était l’introduction du savoir technique et malheureusement la disparition des savoirs complexes. Avec le protocole c’est la technique qui prend toute la place. C’est la disparition du singulier, du patient et du soignant.

« Chaque soignant a des ressentis différents et c’est avec ça que l’on travaille, pas avec des protocoles ». Bêtise du savoir homogène et protocolaire !

Cette évaluation là, issue de l’industrie, va à l’encontre de notre évaluation intime et professionnelle. « Toute ma carrière j’ai tenté d’évaluer mon travail, avec des réunions d’équipes, des séminaires, des lectures mais également en me posant des questions sur ma pratique ». Comme un écho à la question fondamentale d’OURY« Qu’est ce que je fous là ? »

Hervé BOKOBZA est revenu encore sur la notion de collectif comme réponse aux dérives sécuritaires ou protocolaires, pour éviter ce processus de déshumanisation.

 

Le débat dans la salle suite à son intervention a permis d’échanger sur de nombreux thèmes. Tels que les prescriptions des nouveaux neuroleptiques baptisés « antipsychotiques », un terme barbare et honteux, mais aussi la loi du 5/07/11, liberticide, les nécessaires échanges avec les familles pour écouter leur désarroi et leurs attentes ou encore sa pratique fondée sur la clinique, l’écoute, le collectif, le transfert, la relation, le subjectif, la sexualité en institution, la circulation de la parole, la régulation, l’analyse, le singulier.

Pour Hervé : « il ne faut rien lâcher, la folie est angoissante, douloureuse face à cela il y a un risque, celui des réponses les plus faciles pour s’en sortir, comme l’enfermement ».

 

Pour conclure nous retiendrons une petite phrase, présentée par Hervé BOKOBZA comme la plus importante qu’il dit aux patients : « A demain je serai là ».

Nous pouvons tous nous en inspirer au quotidien.

En attendant,  « demain » nous serons là…pour les prochaines rencontres des Psy Causent.

Merci encore à vous tous pour ce moment passé en votre compagnie. Une belle soirée !

 

 

 

 

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