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16 èmes rencontres

Publié le par les psy-causent

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ATTENTION : au regard du temps incertain, les 16èmes rencontres des Psy-Causent de ce vendredi 4 octobre 2013 se dérouleront à la Mairie de Magrin !

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  Compte rendu

des 16èmes rencontres des PSY-CAUSENT

 

 INTERVENTION DE THIERRY NAJMAN

 

 

                « Lorsque des soignants tissent des liens avec les patients,

       nous sommes déjà dans la thérapeutique »

    Thierry NAJMAN

 

Thierry NAJMAN, excellent guitariste par ailleurs, a donné le tempo de la soirée.

 

Après un rappel historique sur les nombreuses expériences et élaborations théoriques de tous ceux qui ont porté une psychiatrie humaniste, inspirée par le désialénisme, la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle, Thierry NAJMAN est allé au cœur du sujet de nos 16èmes rencontres : la loi du 5 juillet 2011 et son toilettage en date du 27/09/2013.

Autre rappel évoqué par Thierry celui de la genèse du mouvement de contestation de cette loi à visée sécuritaire par de nombreux professionnels, mouvement porté depuis 2008 par le Collectif des 39.

Il a abordé l’exercice « rhétorique » complexe de l’appellation de la loi dite de « protection des personnes hospitalisées en psychiatrie » et le décalage avec son contenu…

 

Il a avancé plusieurs idées dont celle constituée par le climat de défiance que l’on rencontre à l’hôpital,  alors que l’on devrait faire en sorte qu’il y règne de la confiance et de la solidarité.

« Cette loi génère de la méfiance et les patients en font les frais. Le climat actuel n’est ni serein ni apaisé.

Si on maltraite des soignants comment peut-on attendre d’eux qu’ils s’occupent correctement des patients ? »

 

Les discours sur la qualité des soins ne font que produire un système de surveillance des professionnels de la santé ou du médico social.

« On nous bassine avec la qualité ! » nous a-t-il rappelé « C’est une imposture  car dans le même temps des patients sont attachés sur des lits »…

 

Dans un deuxième temps il a développé le lien entre la Psychiatrie et la Justice :

« Un lien intime depuis le début, mais complexe ».

 Pour cela il s’est appuyé sur les différentes lois qui ont réglementé les hospitalisations sans consentement depuis la première en 1838 jusqu'à celle du 5 juillet 2011.

Cet historique nécessaire à la compréhension de la problématique lui a donné la possibilité de revenir sur les modifications profondes de cette loi.

 

Elle est en effet en rupture totale avec les modèles précédents.

Et pour cause, elle repose sur une  idée erronée, scandaleuse, sur un présupposé inadmissible :  

Les malades seraient tous potentiellement dangereux !!!!

 

 

 Autres ruptures :

 

L’introduction des soins contraints à domicile avec les programmes de soins

La judiciarisation des patients avec les audiences chez le juge des libertés

 

Les problématiques mises en avant par Thierry NAJMAN en lien avec la loi du 5 juillet 2011 sont le télescopage de la question sécuritaire (avec une politique d’enfermement) et la protection des patients d’hospitalisations abusives, par le Juge des Libertés.

 

Thierry a remis en question le coté systématique de l’intervention du Juge qui parfois peut passer à coté de certains éléments sensibles.

D’après lui une intervention à la demande des patients permettrait au juge de prendre le temps pour examiner les dossiers et être ainsi plus efficace.

Comment actuellement expliquer à un patient qui arrive en phase aigue qu’il doit voir un magistrat dans son intérêt et non parce qu’il a commis une faute ?

Petit détail sémantique, ce magistrat est nommé juge des libertés et de la détention !

On parle de patients pas de criminels !!!

 

Le dispositif général renforce donc les idées de persécution et pose également le problème des transports des patients dans les tribunaux.

 

Thierry est revenu sur l’augmentation exponentielle des soins sans consentement, confortée par cette loi, qu’il a dénoncée.

Il a ensuite développé longuement le mouvement général qu’il qualifie de préoccupant, constitué par le développement de la contrainte, de l’isolement, de la contention.

 

Dans son service Thierry a initié une réflexion, à partir de l’observation clinique de son équipe, une réflexion sur l’ouverture d’une unité de soins.

Ce travail d’analyse, d’échanges, essentiel, élémentaire a éloigné l’aspect risques majeurs mis en avant et qui agit comme un frein très efficace.

Ces fameux risques une fois levés encore une fois à partir de la clinique, le service a été ouvert !!

 

Au passage Thierry NAJMAN est revenu sur la symbolique de l’ouverture des portes, elle représente aussi un travail sur l’ambiance, le climat, la confiance.

Là aussi nous avons des apports théoriques et des expériences soignantes  issues de la Psychothérapie Institutionnelle sur les quelles nous pouvons nous appuyer

 

Pour terminer son intervention Thierry a rappelé que nous avions des choses à proposer face au sécuritarisme et à une législation préoccupante. Heureusement pour nous !

Il y a des pratiques soignantes dont un peut s’inspirer.

 

Nous avons des idées, des expériences à partager, il y a de la réflexion, des collectifs qui existent.

Partout dans de nombreuses institutions des équipes tentent de donner du sens à ce qu’elles font.

Pourquoi ne pas développer par exemple des espaces d’apaisement à la place des chambres d’isolement ?

 

Thierry NAJMAN, bien sur, entend et comprend les craintes, les peurs et les interrogations des équipes.  

Mais à partir de cette compréhension il nous propose de mener une réflexion indispensable pour analyser ces ressentis, ces émotions, en s’appuyant encore et toujours sur la clinique et une approche résolument humaniste.

C’est un travail qu’il met en œuvre au quotidien dans ses services.

C’est une réflexion qu’il lui permet, qui nous permet, de proposer des espaces du dire si cher à Jean OURY, des lieux de rencontres avec ceux qui sont en souffrance psychique et de préserver ainsi la liberté d’aller et venir.

Un droit fondamental !

 

 

INTERVENTION DE SERGE PORTELLI

 

 « La défense des libertés doit être assurée par la déontologie 

 des psychiatres et des équipes ainsi que par le regard

extérieur porté sur l’institution."      

Serge PORTELLI

 

Serge PORTELLI a souligné d’emblée la complexité du sujet, mais avec malice il nous a immédiatement proposé une tentative de simplification.

 

Comment ?

Par un double questionnement : pourquoi ces lois, pourquoi subitement ? 

Par une analyse des différentes « tendances » de notre société

 

Il en décrit 3. Une tendance humaniste, une autre sécuritaire et la dernière gestionnaire.

L’humanisme, première tendance

 

Au regard de cette dernière, dans la loi du 5/07/11 le juge est arrivé parce qu’il y a le Conseil Constitutionnel. Celui-ci a été créé en 1958 pour qu’il y ait une institution au dessus du législateur et de la loi, pour notre protection. « L’humanisme c’est ça ! Quand une liberté est menacée, un juge doit être là »

Aussi avons-nous eu une intervention du Juge des Liberté et de la détention, dans des délais précis, après une hospitalisation sans consentement.

Un rappel à l’histoire lui a donné l’occasion d’évoquer les dérives et les abus réels de la psychiatrie comme ceux sous l’Allemagne nazi et en ex URSS.

 

L’intervention du Juge a-t-elle un impact ?

 

«  L’intervention du Juge n’a pas fait évoluer de façon extraordinaire, ni la qualité des soins, ni la protection des libertés des patients »

 Pourquoi ?

 

« Parce que nous ne sommes pas bien sûr dans un régime totalitaire et parce que la Psychiatrie est sous la « surveillance » de la société et surtout sous le regard des associations de malades, de familles, très présentes et qui se mobilisent ».

C’est eux qui interpellent et demandent si les lois respectent les droits fondamentaux. Ils mènent ensuite des actions y compris au niveau du Conseil Constitutionnel.

« La défense des libertés doit être assurée par la déontologie des psychiatres et des équipes ainsi que par le regard extérieur porté sur l’institution »

 

Le sécuritarisme, 2ème tendance

 

Serge PORTELLI nous a très bien expliqué combien cette dernière était une vieille tendance que l’on portait en nous ! «  Le fou fait peur  ».

On porte en nous non seulement l’humanisme mais aussi toutes les tendances...

Mais de toute évidence le sécuritarisme prend une forme inquiétante depuis ces derniers temps.

Cette inquiétude était palpable dans le discours de l’ancien Président à l’hôpital Erasme et reflétait l’état de la société qui entre parenthèses n’est pas tendre avec les fous.

 

Après avoir déclaré avec humour «  il faut être indulgent avec le juge », Serge PORTELLI nous a rappelé que Le juge était aussi celui qui remplissait les prisons avec une masse importante de patients et ce sans trop d’état d’âme ( personnes dépressives, schizophrènes, paranoïaques, etc.). «  C’est un fonctionnement aberrant ».

 

Le sécuritarisme se traduit très clairement dans la loi du 5 juillet 2011 avec la suppression des sorties d’essais et pire encore avec les soins sans consentement à domicile !

C’est une extension du contrôle social au milieu libre et privé avec une difficulté majeure, comment forcer quelqu’un qui est chez lui à se plier à une contrainte dite de soins ? !!!

Les parlementaires ont eu probablement conscience que ce dispositif n’avait pas de sens, qu’on ne pouvait pas par principe contraindre à l’extérieur, au domicile et pourtant… 

Cette disposition demeure encore dans la loi du 27/09/13 !

 

Le gestionnaire, 3ème tendance

 

Cette tendance nous a été très bien décrite par Serge PORTELLI, il la qualifie d’insidieuse.

Il souligne combien elle est dans l’air du temps et donc «  Elle passe comme une lettre à la poste ! »

On nous impose le discours sur la qualité des soins, des protocoles, des évaluations, des contraintes financières. On nous demande de traiter les patients dans des délais plus que brefs.

Serge PORTELLI après avoir posé le contexte général de la tendance nous a interpellé avec cette question :

« Mais qu’est ce qu’il y a derrière tout ça ? »

Cette interrogation lui a donné la possibilité de développer une argumentation sur la frénésie du « rendre compte en permanence » , du contrôle de l’activité soignante essentiellement sur des critères de gestion, financiers, administratifs.

Des critères qui ne sont pas ceux d’une service public et encore moins ceux d’un service de soins.

Serge PORTELLI à partir d’une analyse historique, essentielle,  a souligné ensuite un grand danger, celui de ne s’occuper que des cas les plus faciles, ceux qui rentrent dans le cadre qu’on nous impose.

De fait on va laisser de côté ceux qui ont le plus besoin d’une approche pensée, réfléchie, individualisée.

Bref une approche qui demande beaucoup plus de moyens.

Serge PORTELLI s’est à la suite empressé de faire le parallèle avec les juges, avec la justice à qui on impose des moyens contraints et des approches anormales.

Il s’est exclamé «  ces critères sont définis par des gens qui n’ont pas l’ombre d’une idée de ce qu’est le soin, la justice ou l’homme ! »

 

Après son exposé sur les trois tendances il est revenu sur la problématique des programmes de soins.

Il a insisté sur le vécu des soignants qui perçoivent le non respect de ces programmes comme une quasi « infraction ».

Infraction qui déclenche ensuite une ré hospitalisation qui découle d’une pratique soignante pour le moins troublante.

Au passage ce grand magistrat, s’appuyant encore sur un nouveau parallèle entre justice/psychiatrie et tirant des enseignements des contrôles judicaires extrêmement sévères qu’il connait bien, nous a conseillé de proposer des programmes de soins rédigés de façon intelligente !

Plus on les détaille, plus on a de chances qu’ils ne soient pas respectés et donc que cette situation provoque un retour en hospitalisation.

Cette rédaction intelligente relève d’après lui de la responsabilité des médecins…

 

La prise de risque.

 

Il a évoqué pour argumenter cette nouvelle réflexion l’affaire CANARELLI.

C’est une psychiatre à qui on reproche, en gros, de ne pas avoir porté un diagnostic assez fin sur un de ses patients et surtout de ne pas avoir envisagé (prédit) un pronostic de dangerosité…

Ce patient a eu un passage à l’acte à la suite de sa consultation. Elle a été condamnée !!!

Pour Serge PORTELLI, demain tous les professionnels de la santé, du soin ou de l’humain, obligés de prendre un risque qui est simplement le cœur de leur métier seront soumis à ce type de « responsabilité ».

Cette crainte changera nos pratiques, le patient ne sera plus vu que comme un risque potentiel, tout comme les actes de soins. Consternant.

 

 Finalement qu’est ce qui a changé depuis 2011 ?

 

 Est-ce qu’il y a moins d’arbitraire ? Est-ce que les libertés sont mieux protégées dans les hôpitaux psychiatriques ? Sa réponse est claire : NON

Les hospitalisations sous contrainte augmentent de façon très importante et préoccupante, + 50%  en 5 ans !

C’est ça qui doit être la base de notre réflexion. Pourquoi une telle augmentation de la contrainte en psychiatrie dans les hôpitaux (création fulgurante d’UMD, de chambres d’isolement, de caméras, etc) ?

 

Serge a une dernière fois illustré son propos par le parallèle Justice/Psychiatrie. Inquiétant !

Depuis 15 ans on assiste à une augmentation de l’emprisonnement et certains en voudraient plus encore. La justice développe des nouveaux systèmes qui ne diminuent pas la surpopulation carcérale.

En psychiatrie non seulement on constate une augmentation des hospitalisations sous contrainte mais on veut aller vers plus de contrôle social psychiatrique, avec d’autres formes de surveillances : les soins contraints à domicile en sont une illustration.

Notre société est de plus en plus sécuritaire et en psychiatrie elle a trouvé l’alibi rassurant d’une loi et qui peut dire en plus le Juge est là !

Serge PORTELLI a conclu son intervention par cette phrase : « J’ai la conviction profonde que cette loi est sécuritaire ».

 

Les Psy Causent remercient encore une fois nos deux intervenants pour cette soirée chaleureuse, marquée par une réflexion de qualité et beaucoup d’humanité .

Nous n’oublions pas tous les Psy-Causeurs de ces 16èmes rencontres , plus de 68 personnes.

Merci à tous pour votre présence et la pertinence de vos interventions lors du débat.

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