18èmes rencontres Ré-inventer l'Hospitalité !
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COMPTE RENDU DES 18èmes RENCONTRES
« Recommencer plutôt que reproduire... »
« Nous sommes attachés à l’impossible, on s’engage dans ce métier avec une étincelle : soigner l’impossible » Guy DANA
Ces deux phrases prononcées pendant l’intervention de Guy DANA ont particulièrement retenu notre attention. A partir de ces dernières il est possible de poser des éléments à plusieurs niveaux, éthique, clinique, engagement, transmission...
Nous avons débuté la soirée par un hommage à Jean OURY grand clinicien, défenseur des valeurs humanistes et du « droit à la folie ».
Il fut l’un des fondateurs du mouvement de la psychothérapie institutionnelle et son analyse, sa pensée, ses élaborations, ses écrits, ses nombreuses interventions sont pour nous des repères et constituent un héritage précieux.
Guy DANA a donné d’entrée le ton en évoquant le travail d’OURY et en rappelant que l’institution a été déverrouillée par TOSQUELLES.
Il a évoqué la préoccupation du secteur, rapprocher les patients de leur domicile tout en
assurant la continuité des soins. Mais aussi l’effet délétère de cette formidable idée à savoir la réduction des lits, prévue très tôt par l’administration.
Comment penser le soin autrement ?
Pour Guy DANA il s’agit d’abord de diversifier les lieux d’accueil à temps plein
La pluralité est son leitmotiv : sortir du système de répétition qui est le circuit classique :
hospitalisation, puis Centre Médico-Psychologique, puis rechute et à nouveau hospitalisation.
Il parle plutôt d’un système où on recommence, avec d’autres lieux, d’autres équipes,
d’autres possibilités de « transférer ».
Pour lui, il n’y a pas de hiérarchie dans le transfert, c’est une rencontre et la pluralité des rencontres offre cette possibilité. C’est souvent totalement inattendu, et la secrétaire peut recueillir ce transfert tout autant que le cuisinier, le soignant ou l’ASH.
Guy DANA a de fait souligné l’importance des lieux pour accueillir ce transfert et en faire une synthèse.
Il a insisté sur le fait que le va et vient « dedans-dehors» est un langage binaire, et que l’agencement des lieux est aussi un langage.
Plus on diversifie les lieux, plus on diversifie le langage.
Guy DANA a illustré son propos en faisant référence à l’ouvrage de TOSQUELLES : « Poésie et Psychothérapie »
Il fait un parallèle avec les poètes capables d’utiliser un langage riche et diversifié. Un régal !
Guy DANA nous a alors fait partagé son expérience clinique, de terrain en nous présentant diverses structures toutes imaginées à partir d’une réflexion intense sur les espaces, les lieux ; la diversification.
En pratiques, Guy DANA a commencé par ouvrir une « maison thérapeutique » à Longjumeau, en ville. Ce lieu d’accueil a constitué un 1er lieu «démédicalisé», de transition, lieu tiers entre l’hospitalisation et le CMP.
Il travaille également avec des «placements familiaux séquentiels».
Les patients sont accueillis 2 mois, 3 mois, 1 jour, il ne s’agit pas de pérenniser l’accueil, mais d’augmenter la diversité, toujours dans un souci de pluralité aussi avec les thérapeutes. « Qui peut supporter un seul thérapeute toute sa vie ? »
Les familles qui acceptent ce travail difficiles sont motivées elles aussi par « la foi des combattants »
Il a insisté sur la spécificité de la folie, « elle ne doit pas se rapprocher de la médecine ».
Nous pensons que cette illusion médicale, pseudo scientifique, biologique, normée ne doit pas nous aveugler. Il y a en elle un risque, celui de perdre notre spécificité, nos repères, notre humanité !
L’inattendu
Guy Dana, à notre demande, nous a ensuite longuement parlé du lieu d’attention, d’accueil et de soins qu’il a créé nommé « L’inattendu ».
Il s’agit d’un centre de crise qu’il a ouvert et qui accueille 11 personnes, pour des hospitalisations brèves, d’une durée n’excédant pas 15 jours, mais toujours avec souplesse.
C’est un lieu intersectoriel, « avec une équipe qui sait travailler avec la crise »
Le nom de ce lieu est non seulement formidable et beau mais aussi fortement symbolique.
Il est très important pour Guy DANA car lié au travail analytique qu’il propose.
Le principe de l’analyse étant « de dire ce qui vous passe par la tête » on finit par dire quelque chose « d’inattendu ». Et l’analyse a de plus cette vertu d’augmenter la capacité du sujet à supporter l’inattendu.
Quelque soi l’inattendu il y a un travail qui permet de l’accueillir et de ne pas s’en défendre.
L’inattendu c’est également le hasard. Hors d’après Guy, FREUD accepte le hasard extérieur, il ne s’interprète pas. Il pense qu’il ne faut pas surcharger de signes les événements qui arrivent, on accepte le hasard.
Dans l’accueil, c’est cette « posture de non interprétation » qui va permettre au patient de trouver son propre savoir, il n’y a que lui qui peut interpréter.
L’hospitalité c’est offrir de l’espace. L’hospitalité c’est donc une posture d’accueil, de non interprétation. Ce sont les patients qui interprètent, et du coup une bascule du savoir s’opère du côté du patient.
Guy DANA nous a apporté des idées précieuses sur ce qui devait être valorisé et travaillé dans les intervalles en utilisant par exemple la notion de secteur et les parcours des patients entre plusieurs lieux plutôt que de mettre en avant les missions de tel ou tel lieu...entretenant ainsi le cloisonnement.
Bien sûr ce n’est pas toujours simple !
Il faut lutter contre l’inertie, pour cela Guy DANA a insisté sur la pluralité des lieux, des langages propres à chaque lieu, il y a des différences. On y parle des langages différents mais à l’intérieur d’une langue commune.
Dans la psychose les patients veulent effacer toute conflictualité, ils ne la supportent pas, pour Guy DANA l’aliénation est a-conflictuelle.
Le dispositif institutionnel peut lutter contre cette inertie en faisant valoir une fonction sujet mis en éveil par l’expérience du différentiel entre les lieux. Il faut en quelque sorte que les patients ressentent, éprouvent ce différentiel…
Notre invité a longuement développé l’importance de ce langage institutionnel hétérogène, véritable antidote...
« Entre les lieux s’introduit l’écart, l’espace temps et l’après coup... »
Toutes circulations, tout parcours fait sortir de la fonction binaire. C’est l’expérience de ce différentiel qui va réveiller la fonction sujet. Il supportera, c’est en tout cas l’objectif, un peu plus de conflictualité.
Guy DANA a développé de nombreux concepts comme celui de ligne d’horizon n’apparaissant pas par exemple chez des enfants psychotiques (repérés par de nombreux auteurs). Si elle apparait alors le différentiel des mondes est intégré.
Chaque lieu peut être considéré comme faisant partie d’un langage lequel est lui-même une structure d’horizon.
La structure d’horizon c’est ce qui est occulté ou ce qui n’est pas immédiatement présent. C’est une forme de latence active qui permet de mettre en activité les éléments qui ne sont pas explicites dans ce qui est dit.
C’est la même chose pour ceux qui sont à un moment donné dans un lieu avant de passer dans une autre. Ils sont dans une latence active !
Guy s’est appuyé ensuite sur des éléments tel que la perspective dans les tableaux et plus particulièrement ceux dans lesquels on est invité à rentrer !
Pour lui le secteur doit prendre en compte la perspective, inclure les personnes en difficultés et ne pas les exclure.
Il faut créer un nouveau lien social inclusif.
Le secteur c4 est un lieu pour la perspective : être invité à rentrer dans le tableau.
On est passé de la binarité « dehors-dedans » « hôpital/CMP » à une forme d’inclusion, on n’utilise pas la projection mais l’introjection.
Il faut des perspectives partielles. Le contraire d’une maitrise totale de l’espace et des gens.
Il nous a expliqué combien il fallait organiser les choses avec une pluralité de perspectives sans récuser la clinique et en s’appuyant sur le lien social.
« Mon travail consiste à soigner le désir soignant ».
Guy DANA nous a dit combien il était important de « sans cesse retrouver la foi des combattant, afin que le discours ambiant ne nous emporte pas…. »
Pour cela il nous propose de faire un travail de déconstruction de ce qu’on reçoit pour apprendre à franchir des lignes, parler en son nom, s’autoriser….à lever les interdit de penser.
La pluralité des lieux, la transversalité du travail, le langage sous jacent de l’ensemble institutionnel contribuent à un certain niveau…à tamiser la jouissance. (Si y a pas de jouissance y a pas de transfert…)
« Le récit, (le parcours, l’historialité) est fondamental car la psychose vient souvent d’une absence de commentaire, donc de récit ».
On essaie donc de changer la dimension de l’imaginaire, au lieu de rester dans l’imaginaire spéculaire.
Il faut que l’imaginaire ait du futur comme du passé, c’est un récit qui se construit tout en marchant…
Le chemin se fait en marchant.
Décidemment nous revenons régulièrement à ces vers d’Antonio MACAHADO, qu’appréciait tant Jean OURY et qui figuraient sur l’argumentaire des 17 èmes rencontres auxquelles il devait participer.
Nous remercions les nombreux participants et bien sur Guy DANA avec qui nous avons vraiment passé une très très belle soirée.
Il oppose son expérience au discours contemporain de la langue normée, des paroles imposées et du calcul.
Il a partagé avec nous son travail sur le langage, l’espace, l’adaptation de la psychose à la cité pour créer un lieu social moins « psychotisant ».
Nous avons profité de ses élaborations et de sa mise en pratique d’une organisation de l’espace et du temps dans la cité qui puisse faire trame et qui propose surtout une véritable thérapeutique des psychoses. Une belle rencontre au carrefour de la praxis, de la clinique, de la philosophie, de la poésie, de la peinture, du langage. Magnifique.
Merci encore M.DANA de défendre farouchement l’idée que la folie peut s’apaiser lorsqu’une certaine liberté de circulation lui est accordée.
A très bientôt pour les 19èmes des Psy Causent début 2015.